Ruhr et Nord - Pas-de-Calais riches de leurs friches
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- jeudi 03.11.2011, 05:22 - PIERRE-LAURENT FLAMEN
| AMÉNAGEMENT |
Les charbonnages, la sidérurgie, ça vous dit quelque chose ? De l'autre côté du Rhin, dans la Ruhr, on a aussi un lourd passé industriel. Les Allemands ont fait le choix d'exploiter au maximum ce patrimoine. Et nous, qu'avons nous fait de nos friches ?
Chez eux, on dit les kumpel, les copains. Chez nous, on préfère parler des gueules noires. Sur les photos, ils ont les mêmes regards translucides de ceux qui ont brassé le charbon toute la journée. Bienvenue sur le site Zollverein à Essen. Puits de mines, briques rouges, chevalets et même ce petit cocktail pluie-vent froid qui n'est pas sans rappeler la maison. Voilà pour les ressemblances.- Pour le reste, on entre dans une nouvelle dimension. Sur ce site de 13 km² où on a exploité jusqu'à 12 000 tonnes de charbon par jour, on a pris un virage radical. La mine a fermé ses galeries le 23 décembre 1986 ? Qu'à cela ne tienne, ce sont d'autres galeries qui ont vu le jour : elles constituent le musée de la Ruhr et celui du Design.
Le site (étonnamment préservé) abrite aussi des restaurants, des salles de danse, une piscine, des pépinières d'entreprises... On peut même se marier en plein coeur de l'ancienne usine. Un vrai petit miracle : le site abrite 1 300 emplois. Peu ou prou le nombre de mineurs présents au moment de la fermeture. - « Cercueil à euros »
Cette reconversion a un coût : 250 millions d'euros. Ce qui incite certaines mauvaises langues teutonnes à parler de Zollverein comme le « cercueil à euros ». Mais quand on envoie une carte postale d'Essen, c'est souvent Zollverein qui est représenté.
Quelques kilomètres plus loin, voici le parc paysager de Duisbourg Nord. L'hallucination nous guette. Cette ancienne usine sidérurgique conservée dans son jus abrite, entre autres, des toboggans comme imbriqués dans le système de tuyauterie de l'usine, des parcours d'escalade, un restaurant et même un espace de concert. Plutôt que de raser, on a choisi d'exploiter.
Des projets comme ceux là, l'équipe d'animation de l'IBA (Internationale Bauaus stellung, exposition internationale d'architecture), a choisi d'en privilégier 90 dans la Ruhr. Avec cinq objectifs majeurs : la restauration du paysage, le renouveau socio-économique et culturel, le développement durable, le changement sans croissance et la valorisation des monuments de l'industrie. Le tout sur un territoire de 80 km de long, de 12 km de large et de 2,5 millions d'habitants.
Et ici ?Qu'en est-il chez nous ? « À la fin des années quatre-vingt, on a recensé 10 000 hectares de friches industrielles dans la région, explique Marc Kaszynski, directeur général de l'Établissement public foncier (EPF) du Nord - Pas-de-Calais. Ça représentait la moitié des stocks de la France et ça nous colle à la peau. » Depuis, 1 500 hectares ont été requalifiées par les collectivités et 5 500 par l'EPF, cet établissement voulu par l'État et la Région pour traiter les friches. Sur ces 5 500 hectares, 3 500 étaient des friches minières. La plupart du temps, le traitement consiste à la démolition des bâtiments et au verdissement des lieux.
« Plus banales qu'en Allemagne »
Pourquoi ne pas conserver la majorité du patrimoine comme dans la Ruhr ? Marc Kaszynski a, semble-t-il, la réponse : « Les installations industrielles du Nord - Pas-de-Calais ont souvent été plus banales qu'en Allemagne en matière architecturale. En dehors des sites de mémoire qui ont été requalifiés, le reste ne présentait pas un intérêt considérable à être sauvegardé. » Il n'empêche, l'EPF comptabilise actuellement 350 opérations de requalification en cours. Parmi lesquelles on peut citer, la zone de l'Union à Roubaix-Tourcoing-Wattrelos, le peignage Amédée à Roubaix, la lainière de Roubaix, une partie d'Arc International à Arques, Stora Enzo à Corbehem ou encore une partie du port de Dunkerque.
Dans la métropole lilloise, l'EPF pourrait prochainement être amené à traiter les Grands Moulins de Paris à Marquette. Un bâtiment imposant qui attend des jours meilleurs depuis une quinzaine d'années. « Dans sa grosse partie, ce bâtiment est classé à l'inventaire des monuments historiques », indique Jean Delebarre, le maire de Marquette. Seulement, la localisation des Grands Moulins, coincés par un site Seveso, et la présence de pyralène, ont longtemps empêché le propriétaire privé des lieux de passer vraiment à l'action.
D'où une (longue) partie de ping-pong entre un maire pressé d'exploiter les lieux et un propriétaire soucieux de revendre la friche au meilleur prix.
Dernièrement, la situation s'est améliorée. Le propriétaire semble prêt à signer avec un aménageur. Et des lofts, des appartements et un restaurant pourraient voir le jour dans ce lieu hautement symbolique. Un soulagement pour le maire de Marquette même si : « Vous savez, des friches, j'en ai d'autres. »