Le portrait du lundi in L'Alsace
René Giovanetti, l’héritage du patrimoine minier en mémoire
le 24/10/2011 à 05:00 par Adrien Dentz
Ancien directeur du patrimoine des Mines de potasse d’Alsace, chargé de la reconversion industrielle du Bassin potassique, René Giovanetti veille à la préservation de la mémoire de l’épopée minière dont il a transmis le riche héritage. Extraits...
Le 24 octobre 2002, les MDPA annoncent la fin de l’extraction de la potasse suite à l’incendie dans une galerie du centre de stockage de déchets ultimes Stocamine contiguë avec les puits Amélie 1 et 2 à Wittelsheim encore en activité. Neuf ans après cet arrêt prématuré, six mois avant la fin programmée pour avril 2003, René Giovanetti retrace l’histoire patrimoniale et sociale des Mines de potasse d’Alsace dans un ouvrage. À l’époque, et jusqu’à son départ à la retraite, le 1 er avril 2009, il était le directeur du patrimoine chargé de la cession des biens immobiliers et fonciers ainsi que de la reconversion des sites industriels. Un vaste programme auquel ce fils et petit-fils de mineur de fer en Moselle, originaire d’Émilie-Romagne, s’était attaqué en 1996, après avoir passé 23 ans dans l’exploitation comme ingénieur de fond, puis chef d’établissement.
« Il ne reste plus grand-chose sur les anciens carreaux, la plupart des 24 chevalements ont été abattus, mais les 18 cités demeurent des éléments mémorables du patrimoine minier », constate-t-il. On fête toujours la Sainte-Barbe dans le Bassin potassique, même si l’esprit mineur s’est estompé et que l’individualisme prend le pas sur la légendaire solidarité des Kali Kumpel. René Giovannetti habite toujours dans sa maison d’ingénieur de Fernand-Anna, « sa » cité de 4 500 habitants à cheval entre Wittenheim et Kingersheim, et où il a « refait ses racines ».
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« J’ai signé plus de 3 000 actes de ventes », confie-t-il. C’était sa principale activité à la fin de sa carrière. En tant que directeur du patrimoine, il a vendu 3 500 logements, de la petite maison de mineur jumelée de 60 m² à la villa de 200 m², ainsi que 2 700 ha de foncier, des terres agricoles et des forêts. « Les réhabilitations de logements n’ont pas toujours été conduites dans le respect du caractère architectural des cités, reconnaît-il. La prise de conscience de l’intérêt de ce patrimoine a été tardive. » Néanmoins, le cachet particulier du Bassin potassique, le style MDPA forgé par l’architecte George Debut a été globalement préservé. Grâce aussi aux communes, qui ont su résister à la tentation de faire table rase du passé et ont opté pour la réhabilitation de salles de fêtes ou d’écoles dans le respect d’une grande qualité architecturale.
René Giovanetti relève par ailleurs une grande injustice : Pierre de Retz, le patron des MDPA de 1919 à 1936, a été « un grand capitaine d’industrie injustement oublié ». Seule une plaque à l’église Sainte-Barbe de Wittenheim évoque la mémoire du créateur des cites minières construites par des maçons italiens et habitées en grande partie par des Polonais ou d’autres immigrés venus d’Europe de l’Est. Des cités présentées comme des modèles d’intégration, du moins à partir de la deuxième génération, quand les chocs culturels et les rixes se sont atténués.
« C’était un visionnaire, insiste René Giovanetti, comme Paul Prévost, un autre grand directeur des MDPA. Il n’a pas fait construire des casernes comme dans les corons du Nord, ni des cités ouvrières à l’habitat très serré comme à Mulhouse ». Ce paternaliste soucieux de la qualité de vie des mineurs a utilisé les grands espaces du Bassin potassique pour doter chaque maison d’un jardin planté de deux arbres fruitiers. « Toujours différents de ceux du voisin pour encourager les échanges », rappelle René Giovanetti.
L’ancien directeur milite aujourd’hui au sein de l’association Les enfants de la potasse ( Salzkingala) qui veille à la sauvegarde des derniers grands vestiges industriels comme le grand chevalement métallique de Théodore, à Wittenheim, la salle des pendus de Joseph-Else, à Wittelsheim, et le monumental carreau Rodolphe, à Ungersheim, dont la sauvegarde a été engagée grâce au soutien financier du conseil général. « L’Alsace n’est pas vraiment fière de son passé minier », déplore René Giovanetti.
(lire la fin et voir la photo sur le site)
le 24/10/2011 à 05:00 par Adrien Dentz