Paru dans l'Union (Reims) le mercredi 27 juillet
Le fourneau du marquis de Carabas Jean-Nicolas Gendarme
Il avait le bras et les dents longues. Sur la gravure, on voit un petit homme rondouillard aux cheveux en bataille et col raide. C'est Jean-Nicolas Gendarme, fils unique d'un maître ferronnier de Vrigne-aux-Bois. Un type avisé, déjà, qui réalisait de copieux bénéfices en commercialisant les productions des artisans locaux. Né en 1769, le fiston fera mieux. En 1806, il achète sa première usine aux Mazures, près de Revin. Le coup d'essai en appelle d'autres. Pour éliminer l'adversaire, coupez lui les vivres. Autodidacte surdoué, Jean-Nicolas apprend vite et frappe fort. Il n'a pas 40 ans quand il a déjà racheté à tour de bras les propriétés de ses concurrents directs, ruinés par la Révolution. Tombent dans son escarcelle bois, usines, châteaux et moulins en pagaille : Vrigne, Gespunsart, Lumes, Boulzicourt, Montigny-sur-Vence, Poix-Terron, Elan…
cliquez sur la vignette pour l'agrandir (photo Crêtes préardennaises)
http://www.cretespreardennaises.fr/tourisme-culture-et-sport/tourisme/domaine-de-vendresse
La légende de l'intraitable Jean-Nicolas est en marche. Il peut, dit-on alors, traverser les Ardennes d'Est en Ouest sans sortir de chez lui. Seul le ciel ne lui appartient pas. Son plus beau coup, le rachat en 1816 du château de la Cassine et des 3.500 hectares de l'interminable forêt de Mazarin. Le domaine comprend notamment le haut fourneau de Vendresse dont la création remonte au XVIe siècle. Passons sur l'histoire chaotique du « four à faire le fer » que le sieur Dehaisne avait construit en 1564. En deux siècles et demi, les propriétaires se sont succédé : Louis de Gonzague, duc de Nevers et de Rethel, la duchesse de Mazarin, la famille Wendel...
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Au milieu du XIXe siècle, Jean-Nicolas Gendarme a ainsi propulsé les Ardennes au sommet de la métallurgie française, juste derrière la Haute-Marne. L'extinction définitive du four interviendra plus tard, après 1870 et la raclée de Sedan. Richissime, celui que l'on avait surnommé « le marquis de Carabas des Ardennes » n'a pas vécu assez vieux pour s'en désoler. Il est mort en 1845. Soixante-quatre ans après, le haut fourneau est devenu un domaine piscicole. C'est beaucoup moins bruyant.
Gilles GRANDPIERRE
(lire l'intégralité du texte sur le site du journal :http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/le-fourneau-du-marquis-de-carabas)