L’usine électrique de Battersea : le pouvoir d’un objet symbolique
dans la revue électronique espacestemps
http://www.espacestemps.net/document8805.html
Le 13 avril 2010, le leader des conservateurs anglais et actuel premier ministre David Cameron choisissait de présenter le manifeste de son parti dans l’usine électrique désaffectée de Battersea, à Londres. Celle-ci a cessé de fonctionner au début des années quatre-vingt et demeure en friche depuis, toutes les tentatives de la transformer ayant jusqu’ici échoué. Dans son allocution, celui qui allait devenir premier ministre quelques semaines plus tard justifiait une telle localisation par le pouvoir symbolique et métaphorique du lieu : « [Battersea power station is] a building in need of regeneration in a country in need of regeneration » (Telegraph, 14 avril 2010).
L’usine de Battersea est ainsi conçue comme un symbole au sens peircien du terme. La correspondance établie entre un objet délabré et un pays qui le serait aussi vise à susciter l’intervention tant sur l’usine elle-même que sur l’entité politique dont il est question. Ce statut de symbole conféré à certains objets matériels participe de ce que l’on appelle parfois la patrimonialisation. Ce processus est au croisement d’un complexe de pratiques matérielles (de conservation et/ ou de démolition), de discours justificatoires et d’acteurs différents quant à leurs logiques et leurs intérêts. Le cas de Battersea illustre en particulier les controverses qui peuvent naître autour d’un objet de patrimoine. Comme l’affirme Laurajane Smith (2008 p. 7), « heritage is not only a social and cultural resource or process, but also a political one through which a range of struggles are negotiated ». Ce processus de désignation patrimoniale relève à la fois du politique, du social et de l’économique (Graham et al. 2000, Rautenberg 2003, Ashworth et al. 2007). D’abord, pour être patrimonialisé, un objet doit être désigné par un pouvoir politique (l’État souvent). Au travers de sa consécration, l’objet de patrimoine est retiré du circuit quotidien des objets et le fige. Ensuite, reconnu socialement, l’objet de patrimoine contribue à construire la spécificité du groupe social qui s’y reconnaît (Rautenberg 2003, Micoud 2005). Enfin, un objet revêt une dimension économique active, dans la mesure où le patrimoine est bien souvent conçu comme une ressource économique active dans la promotion touristique ou le développement économique local en milieu rural ou urbain (Ashworth et al. 2007, p. 40).
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Mathieu Petite, "L’usine électrique de Battersea : le pouvoir d’un objet symbolique.",EspacesTemps.net, Mensuelles, 18.04.2011
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Résumé
Cet article porte sur les projets successifs proposés pour la rénovation de l’usine électrique de Battersea située dans le centre de Londres et fermée en 1983. Il examine quelques conflits qui sont survenus, en analysant les discours des acteurs impliqués dans ces projets. Cet article explique ces controverses par la stabilité des images associées à l’usine, au travers des films, de la publicité ou de la musique. Ces images induisent une fixité matérielle, voulue par certains groupes. Ainsi est montré le statut contesté et négocié d’un objet de patrimoine particulier, intégré dans des discours plus généraux sur l’urbanisme, l’environnement ou la participation citoyenne.
This article deals with the successive projects proposed by various stakeholders to redevelop Battersea Power Station, decommissioned in 1983 in London. By analyzing discourse and argumentation, it emphasizes some controversies resulting of these projects. This article argues that these controversies are bound up to the importance of the images associated to the power station (music, films, advertising, etc.). These images have been producing material fixity that some groups are eager to refer. Accordingly, the power station is a contested and negotiated heritage, embedded in narratives on urban planning, environment or citizen participation.