Editorial : Vers une culture du patrimoine industriel

Editorial - n° 63 AIF

Vers une culture du patrimoine industriel

par Gracia Dorel-Ferré, présidente du Cilac

Le contenu de ce numéro amorce un changement plus décisif qu’il n’y paraît.
Pour la première fois depuis longtemps, une place importante est accordée au patrimoine étranger : la Norvège, la Croatie, Taiwan... trois articles qui offrent une véritable analyse de patrimoine industriel. Ce n’est pas fortuit : à la veille de la grande rencontre trisannuelle de TICCIH, qui se tiendra en 2015 à Lille et dans sa région, le CILAC opte résolument pour un élargissement de son territoire de recherche et pour un approfondissement de ses concepts.

Née d’un groupe d’universitaires et de chercheurs, la revue du CILAC a donné l’image d’une société savante, jusqu’à ce que sa prise en main par Bernard André, ne donne un large écho au travail des Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), des Services régionaux d’inventaire au sein des régions et des associations locales. Un travail en profondeur a été effectué, qui a donné une image aussi complète que possible des ressources du patrimoine industriel en France. Le repérage des sites, la description des vestiges, les analyses des mises en valeur et des reconversions nous ont largement occupés. Les sorties annuelles du CILAC ont contribué à élargir notre connaissance sensible des lieux.

Cependant, le patrimoine industriel ne s’arrête pas aux frontières, et les concepts ne se construisent que dans la comparaison et la typologie. Il nous faut maintenant aborder une troisième étape, celle qui, grâce à une ouverture sur l’Europe et sur le monde, devrait nous permettre de hisser notre objet d’étude au rang de discipline reconnue.

Nous en sommes encore loin. Ceux qui enseignent le patrimoine industriel dans les universités – puisque l’enseignement primaire et secondaire, après de timides ouvertures, semble nous tourner le dos – savent combien il est difficile, dans le peu de temps imparti, d’aller au-delà d’un inventaire de ressources. Contrairement aux autres disciplines qui ont pignon sur rue, nous n’avons pas de manuel à notre disposition, c’est-à-dire que nous ne disposons pas d’un corpus de base sur lequel l’accord est fait et qui constitue, malgré les variantes, la base commune d’un enseignement.

C’est pourquoi il nous faut avancer et convaincre. Avancer, car notre travail n’est pas achevé, tant s’en faut, et le patrimoine industriel reste enseigné dans trop peu d’universités pour que nous en soyons satisfaits, et encore moins en formation continue ; convaincre, car si nous rencontrons tant de difficultés à nous faire entendre, c’est peut-être que nous ne parlons pas suffisamment clair pour que les enseignants, notre relai naturel, nous entendent. Pour que les collectivités locales, en charge des sites convertis ou à reconvertir, nous distinguent. Notre revue devra se faire l’écho des réussites en la matière, en développant une bourse aux idées, en fournissant des sujets d’étude, des formes d’exploitation de sujets, des formes de synthèse. Déjà, le concours CILAC / Jeune Chercheur, initié par Florence Hachez-Leroy, est dans cette voie. Nous devons nous y engager encore plus fermement.

Nous devons accompagner également les efforts de médiation en n’hésitant pas à valoriser, dans le cadre de notre revue, ceux des musées de site et des musées thématiques qui font le travail le plus intéressant dans la restitution des lieux, des systèmes et des savoir-faire. Le domaine est ici immense, et là aussi, les réalisations à l’étranger doivent servir de support à notre réflexion. L’excellent numéro sur les musées de l’industrie ne doit pas rester une exception.

L’approche du colloque de TICCIH 2015 nous offre une excellente opportunité : celle de faire un retour sur nous-mêmes et nous projeter vers l’avant, vers l’appropriation d’une culture du patrimoine industriel renouvelée.