Qui sont-ils ? Des défenseurs de la brique, du patrimoine. Mortifiés que des cheminées puissent encore être mises à terre. Convaincus qu’elles sont un patrimoine à sauvegarder. «Il y a une dimension symbolique des éléments dans le paysage », constate Franck Larère, de l’association Le Non-Lieu. Ancrées dans la terre, elles apportent du relief à ce plat pays qui est le nôtre. « L’histoire de ces cheminées silencieuses a tendance à disparaître. Souvent, les grands-parents n’en parlent pas à leurs petits-enfants. Il y a une forme de honte liée à la fin de l’activité de l’usine, devenue symbole de non-travail. » Comment intéresser les jeunes à ce passé ? Comment envisager un renouveau de la fierté autour de ces géantes de briques ? Comment les faire parler sans verser dans le pathos ? En pavant une Route des arts du feu dans la Sambre - Avesnois. Entre autres.
Une Route des arts du feu, c’est quoi ? Un chiffre à retenir, avant toute explication. Quinze cheminées dites des arts du feu (métallurgie, verrerie, poterie…) sont répertoriées, en Sambre et dans l’Avesnois. Certaines tombent en ruines. D’autres sifflent encore. À Boussois, elle culmine à 70 mètres de haut. Un piton de béton, rouge et blanc, planté au milieu de la verrerie européenne. « Il faut faire comprendre aux entreprises actuelles qu’elles détiennent un patrimoine. Cette cheminée en fera partie dans cinquante ans », s’anime Arthur Mettetal, du collectif Anachronique symposium committee.
La Route des arts du feu ne consiste pas à dresser un inventaire bête et méchant des beffrois du travail, loin de là. « Il s’agit de mélanger les arts et les sciences humaines. » Valoriser les sites existants, faire appel aux souvenirs de ceux qui les ont vus tourner, redonner à ces cheminées la place qui leur est due dans le patrimoine régional. « Faire travailler ensemble les acteurs économiques, culturels, touristiques et politiques du territoire.» Sensibiliser les populations, pour créer un déclic dans les consciences. « On n’est pas dans le folklore, on est dans le présent », insiste Franck Larère. Avec le futur en ligne de mire. Maubeuge et Mons 2015. Un levier incroyable. « Les délais ne seront pas tenables, mais on pourra déjà proposer des actions de préfiguration. »
Pourquoi avoir fait appel au collectif Anachronique symposium committee ? Parce qu’Arthur Mettetal est un pro du patrimoine industriel. Pendant une semaine, avec Xavier Antoinet, photographe, il a sillonné les routes du coin, examiné les cheminées sous tous leurs angles, rencontré ces « gens détenteurs d’un savoir-faire à valoriser ». Comme cet homme, à Anor, qui lui a détaillé la fabrication de la céramique. « Personne n’ira jamais l’interroger. » Il est pourtant la mémoire vivante du passé industriel. « On a établi un constat, découvert beaucoup de filatures, d’ateliers de bois, de brasseries, à échelle plus artisanale. On rend notre travail. » Reste à convaincre les acteurs locaux de la richesse qui s’érige sur leurs terres. « Quand on rase une cheminée, ça n’a pas le même impact qu’avec une église. » Beaucoup invoquent des problèmes de sécurité et des géantes de briques vacillantes. «Elles continuent à être démolies. Là, on dispose du patrimoine minimum. » Il faut allumer la mèche de toute urgence, trouver des financements, des partenaires… Pour que vivent ces beffrois du travail. Ils ont une vieille Histoire à raconter.
PAR MARIE DELATTRE
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