Pourtant, quand il s'agit de Médiathèques publiques, et particulièrement de celle dont on va parler, c'est bien chaque citoyen qui est concerné dans sa possibilité d'avoir accès aux connaissances, à la littérature et à l'art - et ceci, dans la grande majorité des bibliothèques, gratuitement, comme un droit citoyen - défendu depuis des décennies contre vents et marées par la petite minorité de professionnels en question.
Qu'est-ce que la Médiathèque de la Cité des sciences, pour celles et ceux qui ne la connaîtraient pas encore ?
Elle a été créée en même temps que la CSI, en 1986, dont elle est (encore) le secteur gratuit- bien que le prêt soit entre temps devenu payant. Car c'est une grande médiathèque de prêt, comprenant livres, revues, CD, films - une des premières à avoir eu en son sein une didacthèque - comprenant un fonds extrêmement choisi de films scientifiques ; elle possède, en plus de la partie destinée à tous les publics (de 2 à 102 ans) un fonds d'histoire des sciences et d'épistémologie unique en France dans la partie dite MHS (médiathèque d'histoire des sciences) ouverte aux chercheurs en Histoire des sciences et aux scientifiques.
On peut la caractériser par deux aspects fondamentaux : elle est, pour les visiteurs de la Cité des sciences, le complément indispensable aux expositions que tout musée scientifique -ou non- possède "pour aller plus loin" , "pour approfondir... Mais surtout c'est une de nos premières grandes médiathèques publiques, qui s'est créée à l'époque où la nouvelle BnF n'existait pas, de plus spécialisée en vulgarisation scientifique, ce qui est unique en France à cette échelle : elle a été un grand centre de formation pour toutes les bibliothèques qui à l'époque où elle a débuté avait des fonds scientifiques extrêment pauvres - et elle a mené une réflexion également unique sur ses missions (la Cité des sciences, qui l'oublie beaucoup maintenant, ayant été créée volontairement à la limite de la banlieue pour "ouvrir" la science à un maximum de citoyens) ; la médiathèque est donc une bibliothèque nationale (elle recevait des classes de la France entière), mais également une médiathèque de proximité pour les enfants de Pantin, St Ouen etc...
Alors quoi ? On est à une autre époque et tout cela est devenu de la foutaise ? Toute cette intelligence collective des professionnels, ces fonds qui ont été acquis et choisis, ce public qui vient, démodés ? On est à l'heure de la rentabilité et du bling -bling, on le disait du précédent gouvernement, mais hélas, pas de rupture avec le nouveau, on continue : pas de moyens pour ce qui ne "rapporte" pas - et l'éducation des petits, l'information citoyenne au moment où les questions scientifiques sont au coeur de notre société, tout cela est devenu sans intérêt...Au sens propre.
Il s'agit bien d'une casse systématique des services publics - en particulier culturels dont la Médiathèque de la CSI n'est pas le seul exemple -la Médiathèque en question avait vu arriver la catastrophe, sans pouvoir réagir : elle dispose depuis plusieurs années de crédits de plus en plus "indigents" de l'avis même de l'Inspection générale, elle a vu ses systèmes remis en cause etc.. Le diable, qui est dans les détails comme chacun sait ne peut pas être décrit ici, car ces histoires là restent toujours internes...
Une pétition circule depuis dix jours http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2013N37101, mais cela n'est pas suffisant. Il faut le faire savoir au maximum, il faut le prendre comme ce que c'est : un scandale contre la diffusion de la connaissance : et le "numérique" qui est mis en avant est bien entendu l'arbre (qui fait chic) qui cache la forêt (le désir de liquider, un peu moche) ; comme il a été dit au début de ce billet, les bibliothèques ont toujours su intégrer l'évolution des media depuis 30 ans - et en faire quelque chose qui a du sens, elles ne demandent que ça.
Catherine Petit
Ancienne conservatrice de la Médiathèque de la Cité des sciences, auteure du livre "Itinéraire d'une bibliothécaire"/ Martine Bosshardt, Catherine Petit, aux éditions l'Harmattan