Journée d’hommage à Louis BERGERON
Vendredi 23 octobre 2015
EHESS – Amphi du 105, bd Raspail 75006 PARIS
Il y a tout juste un an, disparaissait brutalement Louis Bergeron. Certains de ses collègues, de ses élèves ou des personnes l’ayant connu dans le cadre de ses travaux de recherche, de ses séminaires à l’EHESS ou de ses activités internationales ont souhaité qu’un hommage lui soit rendu, hommage mémoriel de reconnaissance humaine mais aussi hommage scientifique.
Le Centre de recherches historiques de l’École des hautes études en sciences sociales (CRH : UMR 8558 CNRS-EHESS) a décidé́ de consacrer le vendredi 23 octobre 2015 une journée à la mémoire de Louis Bergeron. Celle-ci se tiendra dans l’amphithéâtre du 105 bd Raspail, 75006 Paris.
La matinée – de 10h00 à 12h30 - sera introduite par Pierre-Cyrille Hautcoeur, Président de l’EHESS et par les Directeurs du CRH. Elle prendra la forme d’une table ronde, autour de la carrière scientifique de Louis Bergeron, de ses premiers travaux sur la Révolution et l’Empire à l’enquête sur les Grands notables, de l’histoire urbaine de Paris aux élites sociales de la banque et du patronat. Ses fonctions de direction à la tête du CRH et son rôle dans la vie de l’EHESS ne seront pas oubliés. Elle réunira notamment Patrice Bourdelais, Serge Chassagne, Guy Chaussinand-Nogaret, Jean Ehrard, Mathieu Marraud, Marie-Vic Ozouf-Marignier, Denis Woronoff. La parole sera également donnée aux amis et collègues de Louis Bergeron présents dans la salle.
L’après-midi – de 14h15 à 17h30 - s’attachera, toujours sous la forme d’une table ronde, au rôle joué par Louis Bergeron d’abord dans l’émergence, en France, du concept d’archéologie industrielle, puis secondement à son influence essentielle dans la structuration du mouvement international en faveur de la préservation du patrimoine de l’industrie, notamment au travers de ses deux mandats de Président du TICCIH.
La table ronde rassemblera quelques Français qui l’ont accompagné notamment autour du CILAC – Bernard André, Gracia Dorel-Ferré, Geneviève Dufresne et Maria Teresa Maiullari-Pontois - mais aussi des personnalités européennes de premier plan dans le domaine de l’archéologie industrielle, Eusebi Casanelles, Luigi Fontana, Franco Mancuso, Massimo Preite et Guido Vanderhulst.
S’il s’agit, durant cette journée, de rendre l’hommage légitime que doivent d’anciens collègues, doctorants et élèves à une personnalité les ayant profondément marqués, il conviendra surtout de dégager, par le témoignage de ceux qui l’ont connu, la logique et les incertitudes de son parcours intellectuel et scientifique mais aussi engagé dans la société.
L’entrée sera libre et gratuite
In Memoriam Louis Bergeron
Louis Bergeron nous a quittés dans la soirée du jeudi 9 octobre, après une brève hospitalisation. Tous ceux qui portent de l’intérêt au patrimoine de l’industrie, qu’ils soient chercheurs ou militants associatifs, conservateurs de musée ou simplement personnes intéressées par le sujet, se sentent aujourd’hui orphelins.Son rôle dans la reconnaissance du patrimoine de l’industrie par notre nation fut immense et essentiel.
Louis Bergeron, né en 1929, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé d’histoire en 1951, était entré au CNRS avant d’être élu en 1971 Directeur d’études à l’ Ecole des hautes études en sciences sociales - EHESS - dont il dirigea le Centre de recherches historiques - CRH - de 1986 à 1992. Ses recherches portèrent d’abord sur la Révolution et l’Empire, avant de s’orienter vers l’étude de la banque, du patronat et plus généralement des élites sociales et économiques du XIXe siècle.
Son intérêt pour l’archéologie industrielle prit naissance dans les années 1970, de conserve avec Maurice Daumas, alors professeur d’histoire des techniques au CNAM, mais aussi au contact de ses doctorants, notamment Denis Woronoff et Serge Chassagne. Il comprit très rapidement que l’étude raisonnée et l’analyse scientifiquement rigoureuse des « traces matérielles » de l’industrie représentaient un matériau nouveau de nature à renouveler l’approche épistémologique de l’industrialisation. Une nouvelle source, un corpus - pour autant qu’il soit construit – trouvaient ainsi à ses yeux une légitimité scientifique - en symbiose ou en association et non en simple substitution – des sources classiques que sont les documents d’archives. Pour prendre un exemple, on mesure aujourd’hui combien cet apport de l’analyse du terrain à l’analyse archivistique a profondément renouvelé la connaissance de l’histoire de la sidérurgie dans notre pays, de la Renaissance au milieu du XIXe siècle…
Si l’archéologie industrielle était dans les années 1970 une nouvelle démarche scientifique, Louis Bergeron a vite compris qu’il fallait parallèlement engager une démarche citoyenne en vue de la sauvegarde et de la protection de ce champ nouveau du patrimoine à une époque où des pans entiers de celui-ci étaient voués à une inexorable disparition. Il fallait mobiliser aussi bien les sociétés savantes locales et encourager des initiatives régionales naissantes que convaincre les plus hautes instances nationales. Une nouvelle conscience patrimoniale était née qui renvoyait aux fondements même de notre société contemporaine : l’industrialisation, de la fin du XIIe siècle à nos jours, a été un puissant facteur de notre civilisation, dont témoignent les multiples « traces matérielles » qu’il convient, à ce titre, de conserver et de valoriser au même titre que la matérialisation d’autres dimensions religieuses ou sociétales.
La fondation du CILAC en 1978 par Louis Bergeron - avec d’autres personnes physiques ou morales - procédait de l’intuition qu’il fallait relier entre eux des acteurs de terrain qui commençaient à émerger ci et là et attirer l’attention aux plus hauts niveaux de l’Etat sur le patrimoine que constituaient ces fameux « restes matériels ». D’où le nom qui fut donné à l’association nationale constituée à cet effet en 1978, « Comité d’information et liaison ». En organisant dans notre pays à l’automne 1981, à Lyon et Grenoble, sous l’égide du CILAC, la 4e Conférence internationale sur le patrimoine industriel, Louis Bergeron visait deux buts : donner corps à une réflexion sur un nouveau champ de la connaissance et inscrire celle-ci dans un contexte international émergeant depuis une quinzaine d’années. On sait que de cette 4e Conférence d’une huitaine de jours, à laquelle pas moins de 4 ministres rendirent visite, naquirent en 1984, au ministère de la Culture, une cellule chargée de coordonner un repérage national du patrimoine de l’industrie et une section dédiée au sein de la Commission nationale des monuments historiques, chargée notamment du classement de sites ou d’objets au titre de la loi de 1913.
A partir des années 1980, Louis Bergeron a mené de front ses activités à l’EHESS, assurant plusieurs séminaires chaque année, conférences extérieures mais aussi la direction de thèse de nombreux doctorants. Il y eut autour de lui une véritable pépinière de chercheurs dont un grand nombre poursuivirent des travaux en lien avec le patrimoine de l’industrie.
Au sein du CILAC, malgré des années difficiles pour celui-ci entre 1985 et 1994, Louis Bergeron sut susciter de très nombreux colloques, longtemps annuels, destinés simultanément à alimenter la réflexion générale et à conforter des initiatives concrètes de protection et de valorisation dans telle ou telle région. Alès, La Baule, Lille, Toulouse, La Courneuve, Mulhouse, parmi d’autres, sont autant de lieux où se tinrent ces colloques annuels, qui permirent notamment d’assurer des liens entre des chercheurs (universitaires ou du ministère de la Culture), des personnes de terrain, des conservateurs de musée, des militants associatifs etc.
En devenant président de TICCIH – The International Committee for the Conservation of the Industrial Heritage – de 1990 à 2000, Louis Bergeron prit une stature internationale. Sans jamais se désintéresser du CILAC dont il devint président d’honneur, il parcouru inlassablement tous les continents pour structurer le mouvement à l’échelle mondiale. TICCIH lui doit assurément beaucoup, notamment dans la reconnaissance qui lui est faite aujourd’hui par les grandes organisations mondiales comme l’ICOMOS, l’UNESCO etc.
Louis Bergeron a été aussi à l’origine en 1999 de la revue semestrielle « Industrial patrimony / Patrimoine de l’industrie », sous l’égide de TICCIH, revue multilingues qui se veut, sur le plan international, le pendant de notre revue « l’Archéologie industrielle en France. »
Homme d’une très grande culture, parlant couramment plusieurs langues étrangères, d’une grande distinction et d’une grande affabilité comme s’en souviennent tous ceux qui ont suivi ses séminaires de l’EHESS durant près de 30 ans ou l’ont croisé à l’occasion de nombreux colloques, journées d’études et conférences sur le patrimoine industriel, Louis Bergeron aura intellectuellement profondément marqué plus d’une génération et demeure aujourd’hui la référence française et pour partie mondiale dans le champ du patrimoine de l’industrie.
Bernard André